samedi 27 juin 2009

Critique "La vie rêvée des anges"


La vie rêvée des anges (France, 1998)
Un film de Erick Zonca. Ecrit par Erick Zonka, Roger Bohbot, Virginie Wagon et Pierre Chosson.
Avec : Elodie Bouchez (Isa), Natacha Régnier (Marie), Grégoire Colin (Chriss), Patrick Mercado (Charly), Jo Prestia (Fredo)...

Dans une conception extrêmiste, il existe deux points de vue sur les situations et sur les autres que l'on pourrait simplifier en "ténèbres" et en "lumière", ou plutôt, dans l'expression couramment utilisée, le verre à moitié plein ou son inverse. Formidables actrices qu'Elodie et Natacha, ou ,dans l'oeuvre, Isa et Marie qui unies par les liens du désespoir et du précaire s'opposeront graduellement dans leurs conceptions du monde inverses et irrémédiablement inconciliables.

C'est un grand film dépressif, malgré son titre, que celui où l'on perd à la fin. Où l'on finit au lieu de s'ouvrir sur un horizon d'espérance. Dans l'anonymat des "petites gens", c'est Isa qui, la première, est isolée et choisie par la caméra d'Erick Zonca : Isa qui n'a pas peur, qui ne rechigne devant aucun effort, généreuse et extravertie jusqu'aux limites de son propre être. C'est Marie qui l'accueille, elle-même vivant dans un appartement ensanglanté par un drame qui ne fait donc pas que des malheureuses. Cependant, Isa sait ce qu'elle doit aux autres, à ceux en particulier qui désirent avec elle partager. Quitte à se brûler les ailes, Isa s'envole et tente d'élever tous ceux qu'elle croise, Marie la première.

Marie est profondément misanthrope, dans le cercle incroyablement vicieux de la non voyance : elle est absente et aveugle à elle-même, elle se perd dans des illusions qu'à tout prix Isa essaie d'inverser en rêves. Les fantasmes ont malheureusement la peau dure, surtout chez ceux qui refusent d'être aidés, qui se braquent en répétition au fur et à mesure que leur logique raisonnée s'étiole et disparaît dans la pénombre de leurs cauchemars.
Zonca fait le choix d'une parallélisme de façade : on croit qu'elles s'influencent l'une l'autre alors que chaque friction les éloigne un peu plus, dans un chemin opposé où bientôt Marie devient silhouette que Isa essaie de rappeler à elle-même. Mais dans ce film nul écho : les cris sont silencieux et les secrets n'en sont pas, tout est faux-semblant, couru d'avance et déchéances conventionnelles.

Pourtant le prétexte du film est formidable, cette Vie rêvée des anges qu'eux-mêmes n'osent désirer. Ou trop, mal, pas assez. Isa, dans sa générosité, tend main après main, avec franchise, dans une mise en jeu perpétuelle qu'elle va définitivement croire regretter. Mais ultime twist, c'est en touchant le fond qu'elle se propulsera, croit-elle, vers l'infini. Que nenni, dans son rôle destructeur de témoin, elle assiste à la mise à mort d'une victime, Marie, qui d'emblée aura accepté ce qu'elle conçoit comme destin.
Même si Zonca ne mouche pas la flamme, il la présente comme unique, insuffisante. Autant pour l'une que pour l'autre car l'on ne sait si de la mort ou de la non-vie il envisage une troisième solution. Dans ce grand film comateux sur les anesthésiés, il montre la stigmatisation des anges rêveurs qui dans le partage de ces songes miraculeux tomberont plus bas que terre. Son dernier plan fait froid dans le dos, sublimement horrifiant. Epouvantable, mais vrai. Question de point de vue, et de verre.

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