samedi 5 septembre 2009

Critique "The Informers"


The Informers (USA, 2009).
Un film de Gregor Jordan. Ecrit par Nicholas Jarecki et Bret Easton Ellis, d'après son roman.
Avec : Billy Bob Thornton, Kim Basinger, Mickey Rourke, Winona Ryder, Jon Foster, Amber Heard, Rhys Ifans...

Los Angeles, 1983

Adapter un roman de Bret Easton Ellis semble une tâche plus qu'ardue, voire vouée à sa perte. Même pour lui-même. Son procédé d'écriture repose sur le succédané, sur une succession d'instants reculés, jugés en temps réel ; l'inverse du cinéma en somme.
Ici c'est une fable pop-art aux teintes fades et aux travellings ralentis qui est donnée à voir.

Déboussolant le spectateur dans ses premières séquences, The Informers atteint pourtant la mélancolie. Comment ?

Dans un premier temps c'est le vent de liberté corrompue qui souffle sur le film qui emporte l'adhésion, une boîte de Pandore ouverte sur grand écran, fantasmatique. La beauté altérée des acteurs compte pour beaucoup, du moins le pouvoir de séduction qui leur est conféré par la mise en scène, ainsi la chevelure de Christie (Amber Heard) ou les lunettes de Graham (Jon Foster). Tous les personnages sont dissimulés derrière leurs Ray Bans, époque 80's, regards noirs et vides, ténébreux. D'un point de vue conventionnel, aucune surprise, la jeunesse n'a pas peur de la mort.

Cependant c'est dans le second temps, un peu moins dans le troisième, que l'on peut comprendre ce que veut être le film. Un premier signe est pourtant révélé dès la séquence d'ouverture, l'accident de voiture, faisant éclater la bulle du fantasme. Dans une bouillie de sentiments, entremêlés et indistincts (sont-ils même réels ?), les personnages se révèlent translucides, voire inconsistants si ce n'est inexistants. Ils croient tous être éternels, comme le chanteur de pop sorte de Dorian Gray à l'heure du star system, comme Christie blonde sculpturale qui court vers sa propre perte (la maladie, référence claire mais non nommée au SIDA), comme Peter (Mickey Rourke) l'enleveur d'enfants pédophile, enfin comme Graham aveugle et sourd à force d'évasions hallucinogènes. Chez Bret Easton Ellis il n'y a pas de faux semblants qui durent, chacun se révèle à lui-même et aux autres sous peu.

Alors qui sont donc ces monstres ordinaires ? Ces corps en décomposition, vides à l'intérieur, déambulent dans un Los Angeles de studio où tout semble désirable mais se découvre fantômatique. Ce pessimisme radical est pourtant inoffensif car Bret Easton Ellis parle à l'imparfait de fiction, ou serait-ce le futur ?

The Informers traduit la négation d'une fin de siècle que tous voudraient oublier, laisser derrière eux sans jamais se retourner. Ne vaudraient-ils alors pas mieux que Peter et les autres ? Non, il faut croire qu'ils seraient Graham, spectateur de sa propre vie, comme au cinéma.