Martyrs (France, 2008).
Un film de Pascal Laugier.
Avec Mylène Jampanoï, Morjana Alaoui ...
Scénario : Pascal Laugier. Direction de la photographie : Stéphane Martin. Montage : Sebastien Prangère. Musique : Alex & Willie Cortès (Seppuku Paradigm). Maquillage : Benoît Lestang.
Qu'est-ce qu'un film d'épouvante ? Est-ce que c'est le fait d'avoir une petite boule dans le ventre, nerveuse, vivante, qui grandit au fur et à mesure de la plongée de la salle de cinéma dans le noir ? Ou les cris hystériques résonnant dans le super système sonore du MK2 Bibliothèque ?
Ou peut-être que le film n'épouvante pas, mais qu'il dénonce l'épouvantable : il n'est pas de violence qui ne soit dénonçable, même celle en réponse à la violence. En revanche, il est une intention infiniment louable que je dois rendre à Pascal Laugier : celle de marquer son spectateur, et non pas lui faire passer de force un message, ou au contraire l'endormir dans un divertissement inoffensif. Trop de films actuels sont des anecdotes : il n'existe que pendant leur durée, et encore ... Martyrs imprime la rétine, il soulève, il fait polémique. En réalité deux goûts ont traversé ma bouche pendant la séance : celui du dégoût d'abord, puis le goût du sang ensuite.
Autre chose : le film dure. Il dure dans l'esprit, dans la conscience individuelle, dans les pensées réfléchies durant la nuit, puis la journée suivante. Dans l'inconscient, celui des rêves éveillés et celui du film : ce rêve horrifiant, d'une violence extrême, rude, éprouvante. Celui qui voit deux actrices, l'une d'abord, l'autre ensuite, atteindre leurs propres limites : les limites d'un rôle et celle d'un être, pensant, et de son corps. C'est ici le cas de Mylène d'abord, furie, rage et désespoir. C'est celui de Morjana ensuite, détermination, connaissance et partenaire silencieuse. Ce sont celles des personnages Anna et Lucie, unies dans l'indicible, dans cet hors-champ au champ infiniment violent, celui des flots d'hémoglobine et de la musique de Seppuku Paradigm (formidable !).
Lucie veut sa vengeance : elle ne veut pas oublier. Il n'est même pas question de pardon ou de haine (ou seulement superficiellement) : il me semble qu'il s'agit plutôt d'une revanche contre l'oubli et d'un désir d'une justice abstraite et expéditive. Une justice expiatoire, celle qui la libérerait enfin des démons qui la hantent, cette autre Elle qui la scarifie et la saigne... Anna l'aime, elle est témoin de ces souffrances, elle est celle qui soigne : c'est grâce à leur rencontre et à la proximité du corps d'Anna que Lucie sortira de son mutisme corporel, celui qui la prostrait contre les murs, mémoires des sévices subis. Sublimes actrices qui donnent corps et sang, nerfs et émotions à leurs personnages, à ces jeunes femmes d'une beauté figée dans un temps suspendu : celui d'un déluge.
Le film ensuite, cet objet exceptionnellement abouti, un son hallucinatoire, cette image rétinienne (c'est le cas de le dire ...) et ce montage d'une intelligence rare. Le film de Pascal Augier est un chef d'oeuvre, ne lésinons pas sur les mots. Il rend fou de rage, de dégoût, de révolte, de peur ... et d'amour.
Liens :