vendredi 23 octobre 2009

Critique "Dernier maquis"


Dernier maquis (France, 2008).
Un film de Rabah Ameur-Zaïmeche. Ecrit par Rabah Ameur-Zaïmeche et Louise Thermes.
Directeur de la photographie : Irina Lubtschansky.
Ingénieur du son : Bruno Auzet.
Monteur : Nicolas Bancilhon.
Avec : Rabah Ameur-Zaïmeche (Mao le patron), Abel Jafri (un mécanicien), Christian Milia-Darmezin (Titi), Mamadou Kebe (le muezzin)...

Le film décide de se consacrer au particulier, celui d’une petite entreprise de confection de palettes à majorité musulmane. Le spectateur est amené à comprendre rapidement que les images ne suffisent pas au propos de ce « dernier maquis ». Entamé par une discussion au sujet de la religion, le film se laisserait contempler s’il ne se revendiquait politique, entre les tours de palettes écarlates, possible analogie des tours H.L.M. où le domaine de l’intime a été banni.

Pourtant Rabah Ameur-Zaïmeche évite très habilement le manichéisme en ignorant toute empathie, cela grâce au dispositif de réalisme documentaire qui est son choix de forme. Réinscrivant la tragédie grecque dans le terreau social français contemporain, les personnages sont des héros ordinaires qui manquent de mots pour revendiquer les émotions qui jaillissent du dialogue le plus ordinaire.

Le film s’ouvre sur la chute d’une tour de palettes, qui se dispersent comme des cartes, étages après étages. Les manœuvres réparent les dégâts et c’est alors qu’une sorte de miracle se produit : tout ce qui suit sera consacré à ceux qui ne sont que très rarement filmés, du moins sans être jugés. Conteur d’une ignorance ordinaire, Rabah Ameur-Zaïmeche filme à hauteur d’homme chacune de leurs différences, des prémisses à la tragédie finale, celle qui annonce en effet l’impossibilité du dialogue.

Chaque plan est à la fois métaphore de son image et de son idée, comme si deux trames se déroulaient synchroniquement, celle du visible et celle du convoqué. C’est ce poids supplémentaire qui interpelle efficacement le spectateur sur le drame qui se déroule et l’empêche de regarder l’œuvre de manière contemplative. Rabah Ameur-Zaïmeche choisit son camp et assume son propos de la première à la dernière image, terrible.

Le tour de force, finalement, c’est d’avoir filmé la lutte sociale de l’intérieur, en étant lui-même partie prenante des rouages. C’est ainsi qu’on peut parler de « sorte de miracle » : sa vision subjective des drames ordinaires a la puissance potentielle pour terrifier tous ceux qui se contentent en France d’exister.

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