mercredi 19 août 2009

Critique "Impitoyable"


Impitoyable (Unforgiven, USA, 1992).
Un film de Clint Eastwood. Ecrit par David Webb Peoples.
Avec : Clint Eastwood (William "Bill" Munny), Gene Hackman (Little Bill Dagget), Morgan Freeman (Ned Logan), Saul Rubinek (W. W. Beauchamp)...

Dans le cinéma de Clint Eastwood c’est l’universel qui prévaut sur l’américain. Usant des instruments avec lesquels il a appris à composer au cours de sa florissante carrière d’acteur, il a synthétisé tout ce qui fait mythe et légende dans un personnage d’anti héros, c’est-à-dire dans ce que l’on a à gagner du rejet originel du spectateur.

Tour à tour ridicule ou pitoyable, William Munny, l’homme aux tempérances inhumaines, se montre plus humain que ceux qu’il côtoie. Introduit par la rumeur, le personnage (joué par Clint Eastwood) a rejeté un passé monstrueux de cruauté pour une passivité qui l’est en fait tout autant. Alors c’est l’argent, incarné par le fils d’un ancien compagnon de méfaits, qui remettra les pendules à l’heure, retardée jusque là par sa femme, décédée de la variole trois ans plus tôt. Preuve que l’amour métamorphose, William regarde par-dessus son épaule et constate, au fur et à mesure de son périple meurtrier, que son fantôme se rapproche à chaque fois un peu plus.

C’est dans la ville de Big Whiskey que tout basculera : Little Bill (enflammé par Gene Hackman) la tient d’une main de fer, qui se veut juste mais impitoyable. Les prostituées de la ville, quant à elles, ont mis à pris les têtes de deux malfrats qui ont mutilé, un soir d’orgie, l’une des leurs.

Clint Eastwood choisit de confronter chacun de ses personnages à une situation révélatrice, comme pour prendre toute la mesure de leur valeur de l’Homme. Qu’ils soient lâches ou courageux, c’est toujours des faux-semblants qui sont tour à tour révélés, inversant par de nombreuses séquences les perceptions du spectateur, pour mieux le prendre à revers. Son scénario exemplaire prend tour à tour de l’avance sur le spectateur, ou le laisse jouer au jeu des prédictions, jusqu’au final, explosions en plein ciel pour William, le véritable impitoyable, celui qui connaît sa propre cruauté.

Ce n’est pas l’argent qui, enfin, poussera William au meurtre, mais bien la haine, comme une avalanche, qui jusque là était retenue par de solides murs dans son for intérieur.

Le choix du western est donc, par là-même, un choix radical, dans une forme où seuls les yeux et les armes comptent, on ne sait si c’est le Colt ou le regard qui tue.

La limite du film tient en sa tentative de nous faire adhérer à une histoire qui se révèle quelque peu conventionnelle. Ainsi l’émotion provient finalement du mécanisme et des éléments déclencheurs plutôt que du personnage métamorphosé de William, qui concentre pourtant plusieurs contradictions de l’Homme, dans sa conception universellement admise. La forme prévaut, se transformant en puissante vague de fond qui retourne, successivement, les personnages, le film puis le spectateur, laissant pantois ceux qui auront osé jouer aux voyants.

S’il est un talent exceptionnel contenu dans l’œuvre de Clint Eastwood, le metteur en scène, c’est bien un classicisme de façade, qui sert à faire baisser la garde à ceux qui le regarde pour mieux les atteindre en biais, par une diagonale fondamentale qui rend plusieurs de ses films essentiels. Ceci reste un exercice d’équilibriste, mais le metteur en scène américain semble conserver suffisamment de distance face à ce patriotisme de façade, pour laisser poindre un humanisme infiniment respectable puisque il offre sans rien attendre en échange.

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